Redécoupage des régions
RÉFORME TERRITORIALE 05/07/2019
© D. Roosens
Mercredi 3 juillet, le normand Hervé Morin était auditionné à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une mission d’information sur l’évaluation des effets de la nouvelle carte régionale. Le président de l’Association des Régions de France (ARF) a dressé un bilan contrasté : si certaines régions semblent y avoir gagné, c’est loin d’être le cas partout.
« La mission d’information aimerait revenir avec vous sur les trois objectifs qui sous-tendaient en 2015 la réforme et donc le redécoupage des régions : atteindre une taille critique permettant d’exercer des compétences stratégiques à la bonne échelle, rivaliser avec les autres collectivités en Europe et enfin réaliser des économies » a posé en préambule, le co-rapporteur, Didier Le Gac (député du Finistère, LREM), complété par le co-rapporteur, Arnaud Viala (député de l’Aveyron, LR) : « et plus largement, nous aimerions aussi mesurer la qualité des politiques publiques menées désormais à l’échelle des nouvelles grandes régions ».
Pour Hervé Morin, patron de la région Normandie réunifiée, et président de l’ARF, il apparaît clairement que le redécoupage opéré lors du quinquennat de François Hollande est loin d’être efficient à plusieurs égards.
« Cela a marché sur un territoire comme le mien, qui partage une identité commune, mais soyons clair c’est par endroit beaucoup plus compliqué » a-t-il analysé, en citant à demi-mot la région Grand Est et la création de la collectivité européenne d’Alsace qui laisse penser que le « mariage forcé » a du mal à passer. « En réalité, il faudrait reconfigurer certaines régions, mais nous savons aussi que les efforts déployés ont été trop importants et qu’il est impossible de revenir en arrière » a-t-il poursuivi. Quant à l’objectif de rivaliser avec les autres régions d’Europe, le redécoupage opéré par le gouvernement ne semble pas beaucoup plus efficace sur cet aspect-là : « On ne va pas se mentir, on ne peut pas se comparer à aux land allemand dont les budgets frôlent les 20 milliards d’euros alors que nous sommes en France à quelques milliards à peine [ndlr : le budget de la Normandie en 2018 était de 2,5 Mds d’euros] ».
Pour autant, et malgré ces critiques, le président de l’ARF reconnaît que le « fait régional » semble, ces dernières années, s’être largement imposé « tant dans le regard de nos compatriotes, qui ont saisi que beaucoup des sujets de leur vie quotidienne étaient désormais traités en région, que dans celui des acteurs économiques locaux, les régions étant désormais en charge du développement économique. Nous avons une force de frappe rapide en soutien aux PME ».
Hervé Morin a par ailleurs reconnu que le regroupement des régions et de leurs budgets avait effectivement rendu possible, dans certains territoires, la mise en place de projets structurants et coûteux… sans l’aide de l’État ! Il a aussi estimé que la montée en puissance des régions a permis une re-légitimation des départements, qui par exemple dans la vaste région Occitanie se sont vu re-déléguer la compétence « transport scolaire ». « Les départements ont toute leur place dans les régions, il s’agit juste de clarifier les compétences de chacun pour que cela marche ».
Mais pour ce qui est des économies réalisées avec le regroupement, le président de l’ARF se montre très sceptique : « en Normandie, nous avons réalisé 15 millions d’économies. Si les économies sur l’achat d’énergie ont été conséquentes, l’harmonisation statutaire de nos agents nous a aussi coûté très cher ».
C’est bien un tableau contrasté qu’a livré Hervé Morin aux députés : avec des régions visiblement gagnantes – celles dont le regroupement semblait évident et qui ont pu se lancer dans de vastes projets locaux – mais aussi des régions perdantes, empêtrées dans des problématiques identitaires et/ou territoriales (régions XXL) les empêchant de pleinement capitaliser sur ce redécoupage.